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Jurisprudence Droits patrimoniaux de la personnalité : retour sur l'arrêt Haelan Laboratories v. Topps Chewing Gum

ETATS-UNIS  [Droit voisin de l'artiste-interprète : Photographie]


     Pour le moment, il n'existe pas en France de jurisprudence très arrêtée concernant les droits patrimoniaux de la personnalité. Depuis l'arrêt "Bordas" de 1985 sur le droit au nom, on sait qu'il est possible de conclure des contrats sur les signes de la personnalité. En revanche, s'agissant d'un véritable monopole d'exploitation comparable à une propriété intellectuelle, les choses sont extrêmement floues.
    
     La situation aux Etats-Unis semble un peu plus claire. D'un côté, il existe un right to privacy inaliénable et personnel, d'un autre côté, il existe un right of publicity permettant aux personnes célèbres de contrôler l'exploitation des signes de leur personnalité. Un système dualiste semble donc en place, alors que, côté français, ce dualisme est contesté et ne repose, en toute hypothèse, sur aucune grande décision ou aucun texte législatif.
    
     On présente souvent l'arrêt "Haelan Laboratories v. Topps Chewing Gum" comme la décision ayant conceptualisé le right of publicity américain. Cette décision a été rendue à New York par la United States Court of Appeals Second Circuit (202 F.2d 866) le 16 février 1953.
    
     De quoi s'agissait-il ? Un joueur de base-ball célèbre concède par contrat à un fabricant de gommes le droit exclusif de reproduire son image. Mais un contrat identique est conclu par la suite avec le concurrent du premier bénéficiaire, qui en prend ombrage. Un procès naît entre les deux industriels. Le défendeur soutient qu'en l'état du droit applicable, le contrat conclu par le sportif n'est rien d'autre qu'une décharge de responsabilité, au titre du right to privacy, sorte de droit extra-patrimonial au respect de la vie privée. Par conséquent, aucune exclusivité n'a jamais pu être transmise au demandeur. Le bénéfice du contrat se résume pour celui-ci à la certitude de ne pas être attaqué en justice par le joueur de base-ball au titre de l'exploitation de son image. Rien d'autre.
    
     La Cour commence par acquiescer à cette analyse du droit positif new yorkais : "Both parties agree, and so do we, that, on the facts here, New York 'law' governs. And we shall assume, for the moment, that, under the New York decisions, defendant correctly asserts that any such contract between plaintiff and a ball-player, in so far as it merely authorized plaintiff to use the player's photograph, created nothing but a release of liability."
    
     Le fait que la Cour se prononce ensuite sur l'existence ou l'absence d'un right of publicity distinct du right to privacy tient à une particularité du cas d'espèce. En réalité, certaines autorisations avaient été négociées par le défendeur directement, tandis que d'autres autorisations avaient été acquises auprès d'un tiers. L'affaire devait donc s'apprécier sous deux angles : quand le défendeur avait agi pour son propre compte, il pouvait engager sa responsabilité au titre de la violation du contrat initial ; quand le défendeur se substituait au droit d'un tiers, ce grief ne pouvait plus lui être fait. En d'autres termes, le débat relatif au right of publicity ne présentait un intérêt pratique que dans la seconde hypothèse. D'où la nécessité pour la Cour de se prononcer sur le mérite de l'argumentation présentée en défense selon laquelle les contrats d'image n'engendreraient rien d'autre qu'une décharge de responsabilité.
    
     Cette argumentation est rejetée par la Cour qui affirme l'existence d'un droit patrimonial distinct du right to privacy : "We think that, in addition to and independent of that right of privacy (which in New York derives from statute), a man has a right in the publicity value of his photograph, i.e., the right to grant the exclusive privilege of publishing his picture [...] This right might be called a 'right of publicity".
    
     Avec bon sens et pragmatisme, la Cour souligne que le respect de l'intimité n'a rien à faire dans ce type d'affaires dans lesquelles il est essentiellement question d'argent. Si l'exclusivité d'exploitation ne pouvait être accordée par les vedettes à leurs cocontractants, elles perdraient une source de revenus. En effet, aucun commerçant ne souhaiterait acquérir un droit que le premier concurrent venu pourra violer : "For it is common knowledge that many prominent persons (especially actors and ball-players), far from having their feelings bruised through public exposure of their likenesses, would feel sorely deprived if they no longer received money for authorizing advertisements, popularizing their countenances, displayed in newspapers, magazines, busses, trains and subways. This right of publicity would usually yield them no money unless it could be made the subject of an exclusive grant which barred any other advertiser from using their pictures." C'est ainsi que la Cour reconnaît une action au demandeur au titre de la violation du droit patrimonial portant sur l'image du joueur de base-ball.
    
     Il n'est pas sûr pour autant que toutes les questions soient résolues aux Etats-Unis. La source et le régime du right of publicity peuvent varier selon les états concernés. Dans certains états, ce droit est transmissible aux héritiers, dans d'autres pas. La question de sa durée n'est pas évidente, etc. Le pragmatisme de l'arrêt Haelan a donc ses limites. Peut-être la Cour de cassation française a-t-elle conscience de toutes les difficultés posées par la patrimonialisation des droits de la personnalité. Seul le législateur pourrait embrasser la question. Comment expliquer sinon l'état d'incertitude du droit français en la matière ?
    

(source : Texte intégral de l'arrêt Haelan sur http://law.justia.com/) |News saisie par David LEFRANC le 20/08/2011|



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